Marc Dufumier, célèbre agronome, a donné une conférence passionnante sur ce thème lors d’une conférence à Jouy-en-Josas le 2 octobre dernier. Pas de grands discours théoriques dans cette intervention mais des faits, une analyse précise, des arguments scientifiques rigoureux.
Il a montré à quel point le modèle de l’agroécologie s’oppose fondamentalement à celui de l’agriculture conventionnelle. Il ne considère pas le sol comme un support mécanique pour faire pousser des plantes sous assistance chimique, mais l’ensemble de « l’écosystème agricole » qui prend en compte toutes les interactions qui s’y produisent.
Marc Dufumier fait partie de ces écologistes qui vous redonnent le moral en développant des solutions crédibles dont tous ceux qui ont une responsabilité dans ce domaine feraient bien de s’inspirer. À nous aussi de les y aider.
Changer de modèle d’agriculture
Des produits phytosanitaires utilisés par l’agriculture conventionnelle sont des perturbateurs endocriniens. Le risque pour la santé publique est massif : perte de 10 ans d’espérance de vie de la jeune génération.
Sur le plan économique, on sait le peu de revenus que procure l’agriculture conventionnelle. Les traitements chimiques eux-mêmes coûtent de plus en plus cher et le coût d’exploitation du phosphate pourrait bondir dans les décennies à venir.
Sur le plan quantitatif, il faut environ 200 kg de céréales par an pour nourrir une personne (2200 kCal par jour en moyenne). On en produit 330 kg aujourd’hui. Il y a donc de la marge. Le véritable enjeu n’est donc pas d’augmenter la production à l’hectare, mais d’augmenter la valeur ajoutée à l’hectare.
Mieux utiliser les ressources naturelles
Le modèle de l’agroécologie s’oppose fondamentalement à celui de l’agriculture conventionnelle. Il ne considère pas le sol comme un support mécanique pour faire pousser des plantes sous assistance chimique mais l’ensemble de « l’écosystème agricole » en prenant en compte toutes les interactions qui s’y produisent.
La rizière, où interagissent riz, poissons, grenouilles, canards, ou encore le bocage, sont des exemples d’écosystèmes agricoles.
L’agroécologie tire le meilleur parti des ressources naturelles. Le soleil est gratuit. Aucun de ses rayons ne devrait toucher le sol, mais être intercepté par une couverture végétale qui le transforme en énergie alimentaire.
Les plantes ont besoin de carbone pour fabriquer des sucres et des lipides. Elles le trouvent dans le CO2 de l’air, où il est en excès comme chacun le sait aujourd’hui ! L’humus des sols contribue également à stocker du carbone (il en contient 50 %).
On peut donc faire un choix de culture, ou de combinaison de cultures, qui utilise au mieux la lumière du soleil, stocke du carbone, mais également draine les sols pour permettre à l’eau de s’y infiltrer.
C’est exactement le contraire de ce que l’on fait aujourd’hui avec, par exemple, la culture du maïs pour lequel une grande partie du sol est nue (par des désherbants), ne profitant pas de l’énergie du soleil, compactant les sols et nécessitant un arrosage intense dont l’essentiel part dans l’air sous forme de vapeur d’eau !
Les cultures ont également besoin d’azote. Or l’azote, il y en a également dans l’air (79%), et certaines plantes savent le fixer, comme les légumineuses (pois, fève, haricot, etc). Cet azote, présent dans les racines, peut servir aux cultures suivantes.
Et en plus, ces plantes produisent des protéines qui sont nécessaires à notre alimentation (elles constituent la base de nos tissus).
Les oligoéléments enfin, sont puisés par les arbres dans les roches profondes et ramenés à la surface.
Mais l’agroécologie ne traite pas que de la façon dont les plantes se nourrissent, elle traite également des multiples méthodes naturelles qu’elles utilisent pour se défendre contre les maladies ou les agresseurs.
Ces méthodes sont souvent étonnantes d’ingéniosité : certaines plantes sensibles aux attaques de chenilles ont, par exemple, développé des feuilles très lisses sur lesquelles les œufs pondus par les papillons glissent et tombent sur le sol !
Marc Dufumier insiste sur le caractère très technique de l’agroécologie qui nécessite une connaissance approfondie des écosystèmes et de leur fonctionnement. On est donc loin d’un retour en arrière. La science sera nécessaire pour faire avancer ces nouvelles techniques. Elles demandent aussi plus d’interventions qui peuvent être humaines, donc créatrices d’emplois, ou mécaniques, avec par exemple des robots pour les tâches pénibles.
En conclusion, Marc Dufumier affirme, sur la base de ses connaissances et des expériences réalisées que, oui, l’agroécologie peut nourrir toute la planète.
Pour aller plus loin, une des nombreuses interventions de Marc Dufumier : vidéo interview