Chronique
Nos rapports avec la nature et avec les animaux sauvages, depuis que nous habitons à plus de 90% dans les villes, se sont distendus et transformés.
La COVID 19 pourrait ne pas arranger les choses puisque la chauve-souris et le désormais célèbre pangolin ont été identifiés comme étant vraisemblablement à la source de l’épidémie. Mais si ces animaux sont responsables du problème, coupables ils ne le sont sûrement pas. Car c’est plutôt du côté du comportement humain qu’il faut chercher les causes profondes du problème.
Est-ce que cette catastrophe nous fera prendre conscience de certaines évidences qui nous auraient échappées en temps ordinaire ? Nous poussera-t-elle vers un « jour d’après » différent ?
La situation exceptionnelle dans laquelle nous nous trouvons nous fait redécouvrir – ou simplement découvrir – beaucoup de choses : La transparence d’un ciel non pollué ; le chant des oiseaux qui émerge d’un silence oublié (une linotte mélodieuse sur le toit du voisin, un rossignol dans un bosquet le long de la Bièvre) ; La valeur de la science qui s’oppose à la logorrhée d’opinions indigentes.
Personne ne souhaite que cette situation dure car elle va faire des dégâts terribles, économiques et sociaux. Mais ne pourrait-elle pas aussi nous apprendre quelque-chose ?
La liste des zoonoses récentes est longue :
– maladie de la vache folle en 1996, transmise à l’humain sous la forme de maladie de Creutzfeldt-Jakob et causée par l’alimentation du bétail par des farines animales ;
– SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2003, coronavirus déjà, dont le réservoir animal était une chauve-souris insectivore et « l’hôte intermédiaire » la civette palmiste ;
– H1N1 en 2009, dont l’élevage de porc intensif est suspecté d’être à l’origine ;
– MERS-CoV (Coronavirus du Syndrome Respiratoire du Moyen-Orient), transmis à l’homme via le dromadaire mais dont une chauve-souris est à l’origine ;
– et maintenant COVID 19,
sans oublier les épidémies Ebola ou Marburg.
On pourrait accuser le hasard, ou l’accélération de la contamination par l’intensité des échanges dans le monde.
Mais même si la multiplication des échanges a forcément un effet sur la propagation de la maladie, la répétition de ces pandémies dans les deux dernières décennies doit nous interpeller et nous conduire à chercher la cause ailleurs.
Et cette cause fondamentale, mise en avant par les scientifiques, ne va pas nous faire plaisir parce qu’elle trouve ses racines dans nos comportements.
Parce que de nombreux pays détruisent massivement les forêts tropicales pour nous livrer le bois exotique de nos meubles pas chers ou pour faire pousser le soja qui nourrit nos futurs beefsteaks, des animaux, dont la chauve-souris, ont perdu leur territoire et s’approchent des zones habitées et des cultures, pouvant ainsi les contaminer.
Parce que nous élevons des animaux de manière intensive dans des conditions indignes pour produire notre nourriture surabondante, nous créons des conditions sanitaires catastrophiques qui permettent le développement spectaculaire de foyers d’infection.
Parce que notre comportement de prédateur inconséquent conduit à faire se rencontrer des animaux qui ne devraient jamais de croiser, comme une chauve-souris et un pangolin sur un marché de Wuhan.
La maladie passe de l’animal à l’homme parce que l’on maltraite les animaux et la biodiversité. L’être humain n’est pourtant qu’un petit morceau de diversité biologique qui se croit, par arrogance et méconnaissance, au sommet de la hiérarchie animale et le conduit à l’irrespect d’un vivant qui a qui a existé bien avant lui (et qui existera sans doute encore après !).
Alors le « jour d’après » sera-t-il différent ? Saurons-nous changer nos comportements pour reprendre notre place relative dans le monde vivant, toute notre place, mais rien que notre place, en évitant les déséquilibres que nous introduisons régulièrement dans la nature et qui nous échappent ?
Un grand optimisme nous ferait répondre « oui », mais à condition de reconnaître et de surmonter nos vieux démons : imprévoyance, arrogance et cupidité.
C’est l’occasion ou jamais de laisser la conclusion au grand Pasteur : « Le meilleur médecin du monde est la nature : elle sait guérir les trois quarts des maladies, et ne dit pas de mal de ses confrères ».