Tout valbiévrains que nous sommes, il nous arrive de nous écarter de la haute vallée et le domaine de Grignon en est si proche qu’on ne peut l’ignorer.
Il y a deux cents ans, un château y est devenu le berceau de la recherche agronomique française, dans un parc de 300 hectares de champs et de bois. On y trouve aussi d’innombrables et remarquables fossiles marins ayant traversé 40 millions d’années dans les faluns des strates géologiques, ultimes réminiscences des bouleversements du bassin parisien.
Or ce domaine national exceptionnel est sous le coup d’une privatisation engagée par l’État …
Le domaine de Grignon nous vient de François Ier. Son château fut construit sous Louis XIII et c’est en 1826 que la « Société Anonyme de l’Institution Royale Agronomique » y installa une ferme modèle en charge d’y « enseigner et donner l’exemple de la pratique des bonnes méthodes agricoles ». La vocation de recherche et d’enseignement agronomiques s’est perpétuée depuis, avec de nos jours l’Institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement, dit « AgroParisTech » (APT), conjointement avec l’INRA.
Mais en 2015 l’abandon et la vente du site ont été validés par un vote étroit du Conseil d’administration. Plutôt que de s’étendre sur l’histoire du domaine, son patrimoine, et les vicissitudes de sa mise en vente, nous renvoyons au site internet des étudiants d’APT. Plus détaillé encore, l’article de « la Tribune de l’Art »
On peut comprendre qu’APT rassemble ses centres franciliens, mais la logique nous échappe :
- Il aurait paru légitime pour une école d’agronomie de faire ce regroupement au sein des 120 hectares de terres agricoles de Grignon plutôt que sur 5 petits hectares de campus à Palaiseau. En pouvant y conserver ainsi un ensemble existant bien adapté plutôt que d’avoir à reconstruire locaux et laboratoire.
- La vente de Paris-Claude Bernard n’a pas rapporté la moitié des 265 millions d’euros prévus pour les transferts sur le plateau de Saclay et celle des autres centres ne paraît pas en mesure de combler le manque à gagner. On se souvient de la controverse soulevée par l’offre d’un club de football fameux, une misère de 35 millions. Eh bien, il est question maintenant de brader le domaine pour le tiers de cette somme : on semble loin d’une opération blanche !
Mais en tant qu’association agréée pour la protection de l’environnement à titre régional, un autre aspect nous préoccupe : le risque de livrer cet espace patrimonial historique et naturel à une opération immobilière inconséquente.
C’est bien ce que craignent les étudiants d’APT qui ont bloqué les lieux pendant trois semaines en revendiquant en vain le classement du site.
Car les protections légales sont bien minces et soumises à de simples décisions préfectorales : le château n’est pas classé monument historique mais seulement inscrit à l’inventaire, et la falunière (carrière de falun, roche sédimentaire constituée de débris de coquilles) n’a pas été couverte par le décret de protection du patrimoine géologique. Un comble pour un site naturel unique au monde !
Ces craintes sont renforcées par le fait que trois des quatre repreneurs en lice n’ont pas accepté de communiquer publiquement le contenu de leur proposition, contrairement au projet « AgroCampus de Grignon » qui ambitionne de conserver le site dans le domaine public, d’en préserver le caractère, et de maintenir le lien avec les chercheurs déplacés à Paris-Saclay.
C’est pourquoi, dès février, les AVB ont manifesté leur intérêt et leur soutien aux porteurs de ce projet : la Communauté de communes « Cœur d’Yvelines » et la société « Grignon 2026 Investissements », fondée par la communauté des agronomes.
En espérant que le choix de l’État ne se portera pas sur un « moins disant » qui serait le plus offrant …