Il faut se reporter 15 ans en arrière pour apprécier à quel point la ZPNAF (“Zone de protection naturelle, agricole et forestière” du plateau de Saclay) nous a sauvés du pire. Sous le Gouvernement de Villepin, un projet d’opération d’intérêt national (OIN) était annoncé sur le plateau de Saclay, avec un « Cluster » rassemblant plusieurs grandes écoles et universités scientifiques, des Instituts et centres de recherche, en somme une sorte de “Harvard à la française“. En fait il s’agissait, sous couvert d’un projet d’excellence, d’urbaniser la quasi-totalité du plateau. Deux cent mille nouveaux habitants nous auraient ainsi rejoints, effaçant les terres agricoles de Saclay, parmi les dernières si proches de Paris et si fertiles.
Après une étude de préfiguration, le préfet de Région Landrieu réunissait en 2006 tous les maires du secteur à Jouy-en-Josas pour leur annoncer ce mirifique projet. Son annonce faite, le préfet tourna les talons et quitta un auditoire médusé. Là-dessus, le préfet put assurer au Gouvernement qu’il avait « concerté » les maires. Après un concours international, une exposition était ensuite organisée à Toussus-le-Noble par l’équipe de l’OIN. Les visiteurs découvrirent alors des projets aussi ahurissants qu’invraisemblables. Pour rassurer, le plus imaginatif d’entre eux allait jusqu’à figurer des barres d’immeubles « transparents » et donc quasiment invisibles !
Associations et maires des plus petites communes en tête, la mobilisation monta et se mua en franche opposition. C’est ainsi que le Président Sarkozy, pour sauver le projet de Cluster qui seul pouvait se parer des plumes de l’intérêt national, décida de le cantonner à la frange sud du plateau et accepta d’abandonner le projet de bétonnage intégral. 2300 hectares agricoles seraient sauvés sur le Plateau, ce qui correspondait au minimum exigé par un consensus d’associations, agriculteurs et élus.
La loi sur le Grand Paris créant l’Etablissement Public de Paris-Saclay (EPPS) votée le 3 juin 2010 devait sceller cet équilibre. Ce fut non sans mal, car la technostructure n’a eu de cesse d’essayer de reprendre par derrière ce qui avait en principe été octroyé. Deux épisodes l’illustrent : Tout d’abord l’Assemblée nationale vota en ces termes : « Il est créé une zone de protection naturelle, agricole et forestière (ZPNAF) dans le péri- mètre de l’opération d’intérêt national du plateau de Saclay. » « Cette zone comprend environ 2 300 hectares de terres agricoles ». Le terme « environ » aurait pu autoriser aussi bien 2200 que 2100 hec- tares. Qui peut mesurer l’« environ » ?
L’exemple de Bièvres était édifiant : les premières cartes concoctées par l’EPPS pour préparer le décret de la ZPNAF comportaient les deux tiers de l’aérodrome militaire sur le plateau de Villacoublay, 250 hectares d’herbages autour des pistes !
D’autres pratiques auraient au total ramené la protection sur le plateau de Saclay à moins de 2000 hectares. Élus (mais pas tous), associations, Chambre d’agriculture batail- lèrent ferme pour empêcher ce dévoiement ou cette dénaturation de la loi.
Au lieu d’un an pour préparer le Décret, celui-ci mit trois ans et demi et ne fut publié que le 27 décembre 2013. Il délimitait 2469 hectares de terres agricoles au sein d’une Zone de protection naturelle et forestière de 4115 hectares.
Les résultats sont insuffisants, mais n’en constituent pas moins un précédent positif considérable en matière d’aménagement. Bien plus fort qu’un site classé qui relève uniquement d’un décret, la ZPNAF procède de la loi qui fait obligation au Décret de délimiter une zone de protection avec une superficie minimale à l’intérieur d’un périmètre géographique déterminé. L’exemple juridique de Saclay pourrait être bientôt suivi en d’autres endroits autour des métropoles dont les zones naturelles sont menacées par l’expansion urbaine.